Courage aux grévistes et manifestants

Ma conscience politique s’est forgée avec le temps et l’expérience. Dans ma jeunesse, elle était embryonnaire puis décharnée par une expérience de formation en alternance désastreuse qui m’accablait psychologiquement. Cependant, à force de constats et de dégout face aux injustices, elle s’est renforcée les vingt années qui ont suivi. J’avoue ne pas avoir pris part aux manifestations physiquement. Pas par mépris des revendications ou de l’acte lui-même mais par négligence ou manque de courage… Malgré tout, j’ai toujours fermement soutenu les mouvements sociaux en dépit de longues attentes sur le quai du métro qui m’ont fait pester plus d’une fois. Et plus récemment à travers mon activité de journaliste-pigiste que j’ai exercé durant trois ans. Aujourd’hui, exilée en province, mère célibataire, et vues les violences policières, il est vrai que je ne me risquerai pas à manifester dans les rues.

L’heure n’est évidemment pas à la formulation de regrets, mais à l’expression, encore plus assumée, de mon soutien envers ceux qui ont le courage de défendre nos droits. Leur action est d’autant plus héroïque vu le chaos social et les dérives gouvernementales (chacun connait l’adage « diviser pour mieux régner »). Même si je compatis à la douleur des travailleurs, usagers de transports en tous genres victimes de grèves infernales, je ne perds pas de vue les raisons de ce marasme. La crise n’est pas nouvelle d’un point de vue économique, mais elle se prélasse à présent dans des réformes destructrices et liberticides et dans un contexte de répression, des manifestants notamment, qui s’intensifie chaque jour.

On pourrait croire que l’être humain apprend de ses erreurs mais l’histoire semble se répéter inlassablement, comme un mécanisme incontrôlable et dont l’issue est inévitablement fatale. L’inquiétude est à son comble. Et pour cause. Il y a tant d’exemples qui le démontrent à commencer par les prémisses de la seconde guerre mondiale. Une crise grave, la peur, un retour de l’obscurantisme et un homme faussement empli de promesses, de bon sens et de compassion pour le travailleur pauvre et le chômeur. Hitler avait su tirer profit du désespoir du peuple allemand pour insuffler sa haine et introduire insidieusement son armée de Nazis. J’ai donc également peur qu’à l’heure actuelle, une bonne partie de la population de quelques nations ne soit si craintive, soumise par la crise et/ou la répression qu’elle en vienne à désigner les mauvais coupables. Beaucoup se rassemblent dans diverses contrées, non pas autour d’un bon café gourmand aux mignardises fourrées aux débats sur les inégalités et leurs vraies causes, mais autour d’une pensée bien fasciste miraculeusement ressuscitée, idéalisée, édulcorée.

Pourtant, l’unité des citoyens contre un gouvernement abusif aurait plus que jamais sa place en ce moment teinté de noirceur et de faux pas médiatiques dont dépend souvent, malheureusement, l’opinion publique. C’est pourquoi manifestants et grévistes ont toute ma reconnaissance. Ne leur tenons pas rigueur pour les conséquences quelque peu fâcheuses de leur action. Car ils se battent pour nous tous, pour tout ce que l’on risque de perdre, pour toutes les causes gagnées par nos aïeux, dont certains ont combattu au péril de leur vie. Pourquoi blâmer des héros -et non des coupables, des empêcheurs de tourner en rond- sinon parce qu’on ne comprend pas leur message ni même l’importance de leur engagement sur du long terme ?

Pour moi c’est cela la conscience politique. Elle ne nécessite pas forcément un profond militantisme ni un activisme extrême. Elle participe sous toutes ses formes, ne serait-ce que par un soutien moral, d’un combat pour la sauvegarde de nos droits dont la valeur nous échappe peut-être parfois, enlisée dans les habitudes qui les tiennent pour acquis. Elle se manifeste autant par un devoir de mémoire que par la volonté de s’interroger dans le présent, de s’informer et d’agir même, très modestement, en connaissance de causes.

En ces sombres heures, et ce n’est pas un euphémisme, même si l’on ne s’en rend pas toujours compte, happé par la routine, je ne peux que remercier ces défenseurs des droits fondamentaux, de nos acquis et de la liberté. Je ne peux que souhaiter qu’il remportent la bataille au terme de cette douloureuse et longue épopée au cours de laquelle certains parmi les gilets jaunes ont même perdu un oeil ou une main. Les forces de l’ordre se sont armées, partant en guerre contre une population qu’elles sont censées protéger. Le maintien de l’ordre public perd de son sens devant ces troupes belliqueuses, pourtant en souffrance ai-je pu lire… Peut-être est-il temps qu’ils rejoignent les rangs des abusés au lieu de déverser leur frustration sur les manifestants pour certains ou assouvir une soif de pouvoir grossière et mal venue pour d’autres.

Photo de l’article par Benjamin Bellier de Pixabay

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